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L'amour dans la relation éducative : du contre-transfert des éducateurs

L'amour dans la relation éducative : du contre-transfert des éducateurs

Dans son écrit sur le transfert (au sens psychanalytique du terme) en institution, Rémi Sainterose conclut sa réflexion en affirmant que « le transfert en institution, en dehors de la cure analytique, c’est de l’amour tout court » (In Découverte Freudienne, Avril 1993). A la lecture de ces mots c’est l’audace de l’auteur qui me frappe. L’audace et le courage d’avoir prononcé et écrit ce mot : « amour ». Ce mot que je pense si fort et qui se dit pourtant si bas. Derrière ce terme, si peu utilisé dans notre vocabulaire et dans notre culture professionnelle d’éducateurs spécialisés, flotte une espèce d’interdit, une sorte de honte coupable. De quelles dérives les premiers éducateurs ont-ils bien pu faire l’objet pour que le sentiment d’amour se retrouve du côté des tabous ?

A la suite de tout ce qui vient d’être dit, réfléchi et mis en question, il me semble que la problématique posée au départ nécessite d’être reformulée. Je m’aperçois ici que le mot amour n’est peut-être pas celui que je décris dans ma position. Le terme de tendresse à été utilisé à quelques reprises dans cet écrit. Et je me rends compte que le lien particulier dont je fais part comprend fréquemment de la tendresse. J’entends ici que le mot amour et les sentiments qu’il désigne ne semblent pouvoir être utilisés pour qualifier la relation éducative. Peut-être est-ce la tendresse qui m’incite à me rapprocher affectivement de l’autre pour mieux le comprendre et l’aider. Peut-être est-ce cet aspect délicat du lien professionnel que je discute ici. Pour éviter les équivoques je vais donc préférer parler de tendresse concernant ma position. Il ne s’agit pas d’un compromis car au sens phénoménologique l’affect de tendresse correspond davantage à ce que j’éprouve. Je me souviens alors des objets de réflexion choisis dans mon étude de cas et dans ma monographie. Ils étaient clairement motivés par la tendresse éprouvée à un moment donné à l’égard d’un sujet. Ainsi, dans la perspective que le rôle de l’éducateur est d’être présent en tant que personne dans la communication avec les autres tout en refusant de les objectiver, il me semble que c’est la tendresse qui serait l’étayage affectif de ce lien spécifique. 1). De quoi s’agit-il ? « Sentiment affectueux qui présente un caractère de douceur et de délicatesse » ou encore « une tendance altruiste fondamentale » nous dit le Petit Robert. La tendresse est donc un état personnel, une disposition intérieure. Selon Freud (dans « Malaise dans la civilisation »), la tendresse est un érotisme détourné de ses buts sexuels. C’est un lien désexualisé et déplacé, issu d’une éventuelle mise au travail du sujet. D’après A.Delourme dans son ouvrage sur la tendresse et la relation d’aide, la tendresse ne doit pas être pour autant envisagée comme visant une satisfaction libidinale ratée ou pauvre. Il conviendrait, au contraire de la considérer comme « la recherche constante de contacts doux, harmonieux et rassurants » ayant pour fonction d’unifier et de sécuriser. Ainsi, l’importance de la tendresse n’est niée ni dans l’accueil du nourrisson, ni dans son développement d’enfant, ni dans l’épanouissement de l’adulte. Devrait-elle l’être concernant l’accompagnement des personnes en difficultés ? Mais dans un tel lien, la tendresse comme sentiment exprimé demeure de l’ordre du tabou. De plus, à la complexité qu’elle engage s’ajoute la difficulté de lui trouver une place dans la théorie déjà existante. « Entre un désintéressement vaguement méprisant lié à une sorte de pudeur moraliste et la complaisance sentimentaliste » (A.Delourme), il s’agit de trouver l’attitude adéquate. 2). Du sens dans les échanges Ici, nous soutenons que la tendresse fait lien entre relation et signification. En effet, à la sensibilité subjective de l’éducateur, la tendresse peut ajouter une « intelligence intuitive » qui va donner du sens aux échanges. Ainsi les réactions psychiques du sujet dans l’après-coup vont donner aux évènements plus de valeur, de poids, bref de sens. La tendresse nous incite de fait à l’échange et à sa réussite. Les échanges se nourrissent alors des « éléments stabilisants et liants de l’affectivité assumée ». Je n’ai, par exemple, jamais perçu d’ambiguïté ou de défaut d’assomption dans le lien qui me rapprochait de G. (et inversement). Je me suis toujours dit qu’il était question de transfert et de connivence et j’assumais cette tendresse partagée qui ne semblait pas lui porter préjudice. Il peut également s’agir pour le sujet de faire l’expérience de la différence entre l’amour et la tendresse, entre tendresse et désir sexuel. Beaucoup d’enfants dont il est question dans nos institutions ont connu des relations ambiguës avec un proche de l’entourage (qu’il s’agisse d’inceste ou de climat incestuel). Ce type de relation peut cristalliser une confusion entre tendresse et désir sexuel. Il s’agit également, pour l’enfant pris dans sa problématique oedipienne de comprendre l’intérêt de passer par la séparation psychique et de vivre avec ses parents une relation d’amour et non une relation amoureuse. Le vécu et l’expression de la tendresse peuvent donc s’avérer primordiaux dans le travail avec des personnes ayant souffert d’un amour maladroit, insuffisant ou passionnel de la part de l’entourage. 3). Rencontre et réciprocité En cherchant à passer par la question du sens, la tendresse (entre autres) va permettre de transformer la neutralité du lien qui peut être douloureuse pour le sujet en alliance mutuelle favorable au changement. Cependant il n’est pas question d’acceptation inconditionnelle mais de recherche de respect réciproque et de vérité exprimée. En effet, du fait que la tendresse prenne appui sur l’intériorité de celui qui l’exprime, elle mène vers autrui avec l’intention de le rencontrer et d’en faire un alter-égo du point de vue de sa subjectivation. Ainsi, en envisageant la tendresse comme l’expression réfléchie d’une relation de qualité à autrui, elle fait fonction de « confirmation existentielle réciproque » (A.Delourme) et en ce sens elle mérite d’être manifestée sans trop de pingrerie. Elle peut constituer un étayage de poids dans le processus de renarcissisation et de dégagement de la répétition pathogène Une relation nourrie par la tendresse mais réfléchie, telle est la position que je me préfère. Une telle position implique obligatoirement un travail constant de mentalisation et de clarification en maintenant le cadre arbitral de l’intelligible et du raisonnement. Une relation de ce type peut faire la différence avec les relations familiales qui sont, en général, saturées d’affects.

Catégorie: Travaux U.F. Educateur spécialisé
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